Chœurs d’Ivoire

Pour l’esthétique, l’identité et la mémoire

L’on aurait tort de penser que l’identité d’une nation réside uniquement dans ses armoiries, sa superficie et ses institutions. Par-delà ces traits convenus, se trouvent des lignes dont l’existence constitue l’âme des peuples. Au sein de tels marqueurs aussi essentiels qu’insoupçonnés l’on note, en lettres d’or, les chants, aubades, cantiques, hymnes sacrés ou profanes.

Avec Chœurs d’Ivoire, Pierre K. Boffouo, musicologue et philosophe ivoirien, prend donc le pari – à la fois esthétique et identitaire – de dresser les premières lignes d’une forme de conscience musicale nationale. Sur le fil de 11 titres sélectionnés avec rigueur, il offre aux auditeurs de toutes sensibilités, une anthologie, c’est-à-dire, une sélection panoramique du répertoire communautaire.

Mais disons-le tout de suite, par-delà le projet de rendre justice à de grands créateurs ivoiriens – dont certains sont aujourd’hui disparus – l’œuvre de Pierre K. Boffouo est d’abord une pépite phonique. N’étant nullement une recension atone de titres, elle imprime à chacune de ses pièces une résonance heureuse. Lumineuse dans ses trouvailles, magistrale dans ses harmonies, l’expérience de sublimation ouvre sur un air ayant bercé des générations d’écoliers ivoiriens.

« Le travail de mille générations
construira ma Côte d’Ivoire.
Elle paraîtra devant les nations
dans tout l’éclat de sa gloire.
Telle est son unique destinée,
puisque braves et fiers,
mes aïeux sont morts pour la défendre
et moi je vivrai pour l’aimer ».
Ce chant à la consonnance patriotique du Professeur Paul Ahoulou Assémian (1933-2019) se trouve désormais gravé dans sa roche naturelle : la partition écrite pour chœurs.  Il en est de même pour des titres tels que « Moussio Moussio » de Amédée Pierre (1937 -2011) ou d’« Anouanzè»  de la cantatrice baoulé Thérèse Allah (1935-2020). Un autre monstre sacré surgit de cet auguste répertoire  : Ernesto Djédjé (1947-1983), par son titre « Assouna ». La parfaite harmonie par laquelle est rendu ce morceau très rythmique convainc du talent de l’arrangeur et musicologue Pierre K. Boffouo. Même son de cloche pour « Brigadier Sabari » d’Alpha Blondy que l’auteur de Chœur d’Ivoire élève aux cimes de la solennité !

« Chez nous rien n’est conservé et ce qui survit à notre indifférence n’échappe pas à notre inconscience. Nous recommençons toujours à partir de zéro comme si Sisyphe était un ancêtre à nous. »[1]  déplorait l’universitaire et académicien Sery Bailly (1948- 2018).

Avec Chœurs d’Ivoire, Pierre K. Boffouo concourt à briser le signe indien naguère dénoncé par l’académicien. Œuvre de sauvegarde du patrimoine culturel national, la contribution du musicologue ivoirien promeut les valeurs de reconnaissance, d’excellence ! C’est l’un de ses intérêts, et non des moindres.

Dans une société où les repères éthiques et esthétiques sont de plus en plus brouillés, il est du devoir des intellectuels – et Pierre K. Boffouo en est un – d’élever les valeurs au pinacle de sorte à ce qu’elles demeurent un repère pour les générations actuelles et futures. Mieux, cette œuvre est un bel exemple de ce que représente la vraie modernité : ajouter de la plus-value à l’existant et non pas jeter aux orties ses acquis.

L’un des plus grands mérites de cette œuvre est de mettre en partition, c’est-à-dire en écriture musicale, les chansons présentées sur l’album. Nous avons donc ici affaire à un travail à la fois artistique et scientifique. Or, une telle originalité, en débordant le champ de l’immédiat, permet ainsi à des pièces de notre patrimoine d’être éligibles au rang de pièces classiques.

Belle œuvre de mémoire et de promotion de l’excellence, Chœurs d’Ivoire est promis au plus bel avenir ! Ecoutons-la, diffusons-la et aimons-la, car, de toutes les façons, à l’image de sa quasi-éponyme :

Elle paraîtra devant les nations
dans tout l’éclat de sa gloire.
Telle est son unique destinée !

Notre Mission

sauvegarder et promouvoir le riche patrimoine de la musique urbaine à travers le chant choral